Le sommeil? J'en ai besoin, seulement il est aussi mon ennemi. Parce que quand je dors, des choses que j'essaie de repousser me rattrapent. Oui, je fais souvent des cauchemars, des cauchemars comme le font les enfants. Seulement jamais je n'en parles à quiconque, pas même à Vadim, car en réalité je me sens un peu honteuse d'avoir peur du sommeil comme en a peur un gosse qui vient de regarder le passage effrayant d'un Disney. je sais que c'est stupide de réagir de la sorte, mais je n'arrive pas à faire autrement.
Ce soir je me suis vite endormie, mais je viens de me réveiller en sursaut, cela fait deux fois en une semaine. Encore le même cauchemar, toujours le même. Un rêve simple, très court, mais qui m'angoisse. Quelqu'un qui toque à la porte, moi qui ouvres, une main qui me saisit à la gorge, tout qui se brouille, puis plus rien. Ce cauchemar me poursuit depuis la fois où Alex a essayé de m'étrangler, dans cette pièce même. Et bien que je saches que maintenant il est hors d'état de nuire, que je saches que je suis en sécurité ici, bien que le jour je n'ais plus peur, ce cauchemar est toujours là pour me rappeler ce qui s'est passé, ce qui aurait pu arriver, et m'effrayer.
Je jettes un coup d’œil à mon réveil. Une deux heures et demie du matin. Je sais d'avance que je risque de ne pas réussir à me rendormir cette nuit. Un regard circulaire pour parcourir des yeux la pièce plongée dans l'obscurité m'apprend que les autres filles qui partagent ma chambre sont endormies. Je reste quelques minutes allongée dans mon lit, en fixant du regard le plafond noyé dans la nuit. C'est inutile que je passe la nuit à me retourner sans cesse dans mon lit si je ne peux pas me rendormir. Soudainement, j'ai trop chaud. je repousse mes draps. J'ai besoin de m'aérer un peu. Je descends doucement de mon lit et me glisse en silence dans la salle de bain dont je refermes sans un bruit la porte derrière moi. J'ouvres la fenêtre, et m'accoude à son rebord, sentant un peu d'air frais glisser sur mon visage. Je fermes les yeux une seconde pour me ressaisir un peu. Puis je les rouvres, et scrutes l’extérieur. La lune éclaire faiblement le parc. La légère brise qui me caresse timidement le visage ne me suffit plus, j'ai brusquement une violente envie de plein air. Je ne réfléchis pas une seconde, et sors par la fenêtre que je laisses ouverte pour ne pas risquer de me retrouver enfermée dehors.
La sensation de l'herbe humide contre mes pieds nus est assez frigorifiante au début. En fait, j'avoue que j'ai froid, en short de pyjama et débardeur, dehors en pleine nuit. Mais c'est quand même agréable de s'aérer un peu. Je me sens déjà mieux. Je me promène calmement en longeant tranquillement le bâtiment, je n'envisages aucunement d'aller plus loin pour le moment. J'ai juste envie de faire quelques allers-retours devant l'internat. Je n'oses même pas imaginer l'état de mes pieds. J'en ai marre de marcher, alors je glisse contre le mur, et m’assois par terre J'observes le ciel, regardes les étoiles scintiller dans la nuit. C'est beau. je pourrais rester ainsi des heures durant.
Evidemment, il faut qu'un garde se pointe. oh non. Zut. Je fais quoi, moi? Je suis faite comme un rat, c'est certain: je le vois se diriger vers moi, il m'a vue. Je suis mal. Très mal. Je risque sans aucun doute de me faire passer un savon mémorable. Je me suis beaucoup faite remarquer, en plus, ces derniers temps, en particulier à cause d'un certain feu d'artifice il y a à peine quelques jours... Je suis morte, là. Sans le moindre doute. Encore plus si le garde qui s'approche de moi à grands pas est le Leonardo du feu d'artifice...