Après une bonne heure passée à la recherche de quelque chose à lire dans la magnifique bibliothèque qu'est celle de Nobilia, j'en pousse la porte pour sortir. Il est maintenant vingt heures, et je commence à avoir faim. Mon livre sous le bras, je marche tranquillement dans les couloirs, sans vraiment regarder où je vais, perdu dans de vagues pensées relativement désordonnées.

- " Pssssst... Jay?
- Euuuuh... Qui m'appelle?
- C'est moi... Ta mémoire!
-Oh je vois! Mais que veux tu?
- Je veux te rappeler que tu n'as pas perdu ta chemise préférée... Elle est simplement au pressing. Je voulais te le rappeler, parce que te connaissant tu serait capable de la chercher désespérément pendant des heures en mettant ton appartement sans dessus-dessous!
- Oh c'est bien vrai... Et puis, tu vois, ça m'était complètement sorti de la tête, je le confesse.
- Je te connais si bien, Jay, je te connais si bien... Et puis, souviens-toi également que demain, c'est mercredi, et que tu as prévu une ballade avec Scar, et qu'il faut d'ailleurs que tu cire tes bottes d'équitation si tu veux être assez élégant, Jason.
- Oh oui, il faut que je les cire! Et que j'aille lui acheter des carottes! Merci, mémoire, merci infiniment!
- Mais de rien, mon cher Jay, je t'en prie! Bon ce n'est pas tout mais je dois y aller maintenant! A une prochaine fois!
- Bye! et merci! "

Alors que cette conversation des plus passionnantes s'achève, et que je suis à présent en train d'essayer de me remémorer seule l'heure de ma première consultation demain matin, il me semble entendre une petite voix m’appeler. Monsieur... Monsieur... Cette voix me semble un peu désespérée, désemparée, pleine de timidité, mais quelque chose me parait artificiel, je ne saurais as dire quoi, en revanche, je suis incapable de mettre le doigt dessus. Monsieur... S'il vous plait... Je fronce les sourcils et me retourne, me retrouvant alors face à une lilliputienne brune. Que me veut-elle donc. " Qu'y a-t-il, fillette? " Elle me parait vraiment jeune, onze tout au plus, c'est très étrange. Mais bien que cette petite fille m'intrigue de par son attitude, j'ai une faim de loup. And when Jason is hungry, Jason isn't patient.

Ce premier jour avait été réellement épuisant !
Mia avait fait des efforts monstrueux pour ne pas se montrer hautaine et pour être polie et respectueuse toute la journée, mais tout le monde semblait croire qu'aux vues de sa taille et de son air de gamine elle en était réellement une !
Bon, ça c'était peut être normal, et elle n'avait pas vraiment de quoi se plaindre car quoi qu'elle fasse la plupart des gens disaient qu'elle était trop chou ou des trucs du genre et ils finissaient presque tous par craquer.
Enfin bref, là elle errait dans les couloirs, pourquoi ? Parce qu'elle s'était endormie sur le bureau de sa chambre alors qu'elle révisait, quelle poisse ! Lorsqu'elle s'était réveillée il était bientôt vingt heurs.
En gros, elle avait faim, il était tard et elle était totalement perdue. Elle aurait bien aimé retomber sur son porteur de valise, Vadim, elle l'aimait bien même si lorsqu'elle était avec lui il ne lui arrivait que des crasses. Il aurait pu l'aider à atteindre un endroit avec de la nourriture, celui où elle avait mangé le midi de préférence.

C'est donc à la recherche d'un endroit où manger qu'elle partie vagabonder dans les couloirs. Elle n'avait croisé personne, ce qui était plutôt étonnant, jusqu'à ce qu'elle aperçoive cette silhouette, un homme bien plus grand qu'elle -logique vue qu'elle était vraiment minuscule- qui marchait seule, sans attendre elle se dirigea vers lui. Elle allait utilisée sa technique, se rendre mignonne pour qu'il ne lui refuse rien.

- Monsieur... Dit-elle avec sa petite voix teinté de détresse. Aucune réponse. Monsieur... Insista-t-elle.

Toujours rien, mais qu'est ce qu'il attendait au juste celui la !? masquant son impatience derrière une expression timide elle ajouta :

- Monsieur... S'il vous plait...

Cette fois il se retourna avec une expression sévère qui la surpris vraiment beaucoup, sur son visage se peint donc une expression surprise-timide-en-détresse, assez complexe quoi.

- Qu'y a-t-il, fillette?

Fillette ? C'est moche ça, gamine ou petite elle avait l'habitude mais personne ne l'appelait jamais fillette... Elle était partagnée, dans un sens c'était mignon, mais elle n'avait pas l'habitude... Enfin bref, elle baissa les yeux avec ce faux air gêné qu'elle aimait tant, l'un de ceux qui marche le plus sur les adultes qui s’attendrissent facilement.

- J'ai faim mais je n'arrive pas à m'y retrouver dans ces couloirs... pourriez vous m'aider ?

Elle fit mine de jouer nerveusement avec le bout de sa jupe, tout en évitant soigneusement le regard de l'homme, elle avait l'air tellement intimidé alors qu'elle ne l'était pas pour un sou. Mais qui était il au faite ? Elle ne se souvenait pas de l'avoir vue, était il un élève ? Un noble ? Un privilégié à la grosse cervelle ? Ça, c'est le nom qu'elle donne aux prolétaires...

La petite fille finit par daigner me donner une explication à ses lamentations déprimantes, tandis que mon ventre gargouille rageusement. " J'ai faim mais je n'arrive pas à m'y retrouver dans ces couloirs... pourriez vous m'aider ? " Oh non... Une nouvelle élève perdue... Cela signifie que je vais devoir l'aider, non? Dire que j'ai si faim... Et que dans mon appartement, des cupcakes m'attendent sagement dans le four... Et puis il faut que je repasse mes chemises... J'ai tant  de choses à faire... Quelle poisse de me faire aborder par une gamine apparemment en détresse... C'est bien mon jour... Bon, Jay, sois patient, et viens en aide à cette petite fille perdue. Ton estomac sera apaisé plus tard. Non, décidément je ne suis absolument pas patient quand j'ai faim.



L'enfant se met alors à jouer avec le bout de sa jupe, l'air... tendue? Oh, elle me parle et n'est même pas capable de me regarder dans les yeux, je déteste vraiment cela. Je trouve que c'est un peu vexant. Je ne sais pas pourquoi. Enfin bon, je n'aime pas ça, c'est tout, il n'y a pas de quoi en faire tout un plat, mais bon, ça ne me plait pas, alors que voulez-vous que je vous dise, hein?Je tente de ne pas paraître désagréable, et lui réponds d'une voix polie mais froide. " Bon, je vais vous conduire au restaurant scolaire, petite, mais je vous préviens je n'ai pas tout mon temps, moi aussi j'ai faim. Et puis j'ai du travail qui m'attend. "



Je lui fait signe de me suivre, et d'un pas ferme, emprunte alors le chemin qui devrait nous conduire au restaurant tant convoité par cette minuscule brunette. Pour être honnête, j'ai envie de me dégourdir un peu les jambes, après tout une journée passée dans le fauteuil de mon cabinet, à me gaver de thé glacé. Je décide donc d'accélerer un tout petit peu le pas, histoire d'énergiser la marche! Finalement, après une petite trotte un peu sportive à cause de sa vitesse, ce que je trouve vraiment agréable pour ma part. Je finis tout de même par lancer un rapide regard derrière moi, pour m'assurer que la fillette déprimante soit toujours avec moi. Et bien évidemment, comme c'était sûrement couru d'avance, grâce à mon don pour prêter attention aux autres lorsque je suis perdu dans mes pensées... Pas de fillette à l'horizon. Clap your hands for Jason.

La seule chose qu'elle pouvait dire sur lui c'est qu'il n'avait pas l'air d'apprécier son jeu, il n'avait pas eu l'air attendri une seule fois depuis le début. Et le ton froid de sa réponse ne faisait que confirmer cette impression, bien qu'il semble faire des efforts pour rester poli.

" Bon, je vais vous conduire au restaurant scolaire, petite, mais je vous préviens je n'ai pas tout mon temps, moi aussi j'ai faim. Et puis j'ai du travail qui m'attend. "

Employer le vouvoiement mais appeler la personne à qui l'on parle "petite" ça colle pas vraiment... Et puis, s'il a faim, il aura qu'à prendre un truc à manger au restaurant scolaire ! Les cantines avaient la réputation d'être horriblement dégoûtante dans les établissement scolaires, mais là c'était pas n'importe quel établissement, y'avait que des nobles ! La nourriture devait être mangeable !
Enfin bref, il lui fit signe de le suivre, ce qu'elle fit sans trop poser de questions. Au début rien de spécial, elle le suivait, essayant de rester au rythme de ce gars qui lui ouvrait la marche.
Tout à coup, il se mit à accélérer encore, Non mais quelle mouche l'a piqué celui là !? s'énerva mentalement la petite. Il faut dire qu'elle avait ses raisons, déjà que lorsqu'il marchait à douce allure un seul de ses pas en demandait deux à la petite, là c'était pire !
Et ce qui devait arriver arriva, le grand prenait peu à peu de la distance, et n'étant pas du genre à courir après les gens, elle le laissa s'éloigner, tss, il ne lui jetait même pas un regard ! Y'avait plus discret pour se débarrasser de quelqu'un ! Et s'il ne voulait pas d'elle autant le lui dire !
Elle décida donc de passer à autre chose, il fallait qu'elle prévoit une nouvelle technique d'approche pour la prochaine personne qui arriverait -avec un peu de chance une fille, elles sont plus faciles à faire craquer. Elle se roula donc en boule, faisant mine de sangloter, cachant son visage derrière ses genoux.
Et voila, maintenant il fallait qu'elle s'arme de patience jusqu'à ce que quelqu'un vienne à son rencontre.

En bonus, elle n'allait certainement plus revoir ce gars irascible et désagréable.

Je ne vais tout de même pas laisser la fillette seule, encore plus après l'avoir semée accidentellement, bien que je ne suis pas certain que la supporter entre dans mes cordes. Je rebrousse donc chemin, question de principes, et n'ai pas de mal à retrouver la jeune lilliputienne, sauf qu'elle est roulée en boule par terre en sanglotant à moitié. Immédiatement je comprends qu'elle joue tout à fait la comédie, c'est tellement flagrant.... Mais, bien que profondément irrité par ce comportement mensonger, calculateur, ce mauvais jeu de comédienne dramatique fort peu crédible, je ne peux m'empêcher, encore une fois, de penser à Lauren. J'aurais tant aimé qu'elle pleure comme cela, pour que dès le début de ce qui fut sa fin, je puisse comprendre que quelque chose n'allait pas. Peut-être que si elle avait été moins forte face à sa maladie, moins fière, elle aurait pu être sauvée... Peut-être qu'il aurait suffit de quelques larmes... Et elle serait encore là... Ma vie serait sans doute radicalement différente... Je ne serais sans doute pas psychologue, encore moins ici, je vivrais juste à Liverpool comme avant, en Angleterre, près de mes parents, près de Lauren, il y aurait des tas de gens que je ne connaîtrais pas, et pourtant, je préférais cette vie à la mienne, tout simplement parce que Lauren serait en vie.



Cette pensée m'envahit, je m'imagine avec elle sur les docks de Liverpool, sous un soleil printanier à contempler les bateaux, riant tous deux, nous moquant des touristes insupportables, et achetant un énième t-shirt à l'effigie des Beatles pour notre père, avant de rentrer tranquillement chez nous.



Mais je me fais vite violence, sortant de cette pensée utopique. Je ne  dois pas me complaire dans mes rêves, Lauren est morte. Je tente de me ressaisir pour tenter de faire bonne figure devant cette élève, mais cela ne m'étonnerait absolument pas que cela soit complètement raté. " Excusez-moi, je vous avais perdue. " Comme si elle n'avait pas remarqué, Jason... Je lui lance un regard exaspéré. " Vous pouvez vous relever, hein, mauvaise comédienne... Vous êtes trop dans l'exagération. " Une fois debout, je lui fais signe de me suivre. " Bon, je vous conduit au restaurant scolaire, et on en parlera plus. " Bien que cela me rebute un peu de passer pour un tendre, je lui prend la main pour éviter de la perdre, et adapte un peu mon pas au sien, la conduisant à l'endroit nutritive qu'elle convoite.