Depuis le matin j'étais embourbée dans une panique des plus totales. J'étais irritable, et changeait d'humeur toutes les cinq minutes pour un rien, je n'en pouvais plus. J'avais juste envie d'hurler, de pleurer, d'en finir, de me jeter du haut du toit, mais je tentais de me maîtriser, car dans de pareils moments je suis capable du plus regrettable.
Seulement je ne pouvais pas me laisser aller, et surtout pas devant tous Nobilia, c'était impossible. Je bouillais, je me glaçais, j'éprouvais des sentiments si contradictoires! J'avais peur.
Je ne voulais pas rester seule dans ma chambre, j'avais peur de faire une grosse bêtise, comme après cette histoire avec Alex... Heureusement que mon frère était entré à temps dans la salle de bain... Oh mon Dieu non. Je ne dois pas y penser. Surtout pas maintenant.
Vadim. Il fallait que je trouves Vadim. Il le fallait absolument.
Cette lettre me rongeait comme de l'acide. Je l'avais lue, blême, puis la froissée, puis ramassée. Je pourrais en avoir besoin.
J'étais négligée. Mais cheveux n('étaient pas coiffés, ils pendaient tout emmelés, tandis que je n'étais pas maquillée, le teint cireux, les yeux hagards, et les ongles rongés.
Depuis tout à l'heure je cherchais Vadim. Impossible de mettre la main sur lui. depuis le match de ping-pong il y a cinq jour, je ne l'avais pas revu. Mais là c'était plus qu'urgent.
On était samedi. Il ne pouvait pas être en cours. J'avais fait trois fois le tour de Nobilia. Il devait bien être quelque part, quand même!
Je commençais à angoisser plus encore. Et si il n'était pas là? Si je ne pouvais pas lui parler? Je ne pourrais plus tenir. J'allais craquer.
Je descendis dans le hall.
Et là je le vis. Je reconnu sa silhouette et ses cheveux. Il se dirigeait vers la porte, pour sortir.
Je ne lui en laissais pas le temps. je me ruai sur lui, lui agrippai le bras, et le traînai vers les escaliers montant à l'internat, en hurlant, complètement hors de moi, folle, hystérique: "Toi! Il faut que je te parles! Maintenant! C'est urgent!! Suis-moi!"
Vu le ton que j'employais, il pouvait croire que je lui reprochais quelque chose mais il n'en était rien.
J'avais juste besoin de lui parler, je n'en pouvais plus, j'allais craquer.

Enfin, le week-end ! Entre les heures de cours interminables et la directrice qui me séquestrait tous les soirs en cuisine pour ma punition, je commençais sérieusement à trouver le temps long ! Je commençais doucement à prendre le rythme. Après avoir pris le temps de me faire un petit déjeuner royale, je me suis dirigé dans le grand hall, près à ressortir pour faire un tour dans le parc ou en ville. Pour prendre l'air. Seulement les surveillants m'ont déjà dans leur collimateur. " Miloslav, tu n'as pas une heure de colle cette après-midi ? " Oh non. Pas lui. Le surveillant qui me déteste semble me suivre où que je veuilles aller. " Et bien c'est cette après-midi : j'ai encore le temps non ? "  Il n'a pas l'air de très bonne humeur lui ce matin. " Le problème, tu vois, c'est que je n'ai pas confiance et que si tu pars de l'établissement : tu vas encore échapper à ta punition. " Je soupire. Au pire, je sprinte jusqu'à la sortie en mode " tu m'attraperas pas euuuuh ! " juste pour la frime. " C'est bien vrai ça. Si je pars, je n'ai pas l'intention de revenir. C'est fâcheux. " " Attention Milo ! Ne joue pas avec mes nerfs ! " Je commence à bouillir. Je déteste quand on m'appelle comme ça. " Je ne m'appelle pas MILO ! " De la fumée sort de mes oreilles et ça à l'air de le faire rire l'autre abr**i.

Alors qu'il est en train de chercher un belle réplique cinglante, ou un motif pour une punition qu'il pourrait avancer dès maintenant pour m'empêcher de sortir, il se produit une chose inédite. Prêt à l'ignorer, je me dirigeais vers la sortie quand une fille se rua vers moi et me pris brusquement par le bras. " Toi ! Il faut que je te parles ! Maintenant ! C'est urgent !! Suis-moi ! " Je la reconnus tout de suite. " Lana ? Mais qu'est-ce qui... " Très surpris, elle me tire vers les escaliers les plus proches. J'ai juste le temps de voir la tête du pion, hilare. Elle paraît essoufflé et en panique. C'est de ma faute ?  J'ai fait quelque chose ? Alors qu'elle reprend ses émotions. " Tu veux bien m'expliquer ce qui se passe à la fin ? " Je croise les bras, aillant peu apprécié d'être rapatrié de la sorte. J'espère qu'elle a une bonne explication : moi j'ai une colle à sécher !

Pendant que je le traine de force vers l'internat, il finit par me demander:  " Tu veux bien m'expliquer ce qui se passe à la fin ? " Il a l'air fort contrarié, mais je n'en ai strictement rien à faire. Moi, je suis dans un état critique. Pas lui. Du moins je crois. Je n'ai pas la tête à être gentille aujourd'hui. Je continue mon chemin, vers ma chambre. J'y entre avec lui, en claquant la porte. Un gros bruit s'élève alors, et les murs de ma chambre tremblotent. Je suis vraiment hystérique. Vadim est propulsé contre le lampadaire, qu'il heurte de plein fouet. Ils manquent de tomber tous les deux, mais horrifiée par ma violence; je les rattrape de justesse. Néanmoins, Vadim et le lampadaire continuent leur chute, leur poids les attirant vers le sol, et ils s'effondrent sur moi.Je me prends le lampadaire en pleine face, puis il retombe. Je suis littéralement écrasée. Le lampadaire a roulé sur le côté, mais Vadim, le pied gauche empêtré dans le fil électrique est en train de m'étouffer par son poids, étalé sur moi de tout son long. Je crois qu'on en sera tous deux quittes pour des bleus et de grosses bosses. Un peu sonné par la chute, il ne fait pas un geste. Je suis prise en sandwich entre le sol et Vadim. je tente de m'en extirper un rampant, mais je n'ai pas assez de force. Je finis par réussir, en me tortillant et poussant Vadim sur le côté. Il finit par se relever, l'air fort interloqué.
Je le regarde, en me mordant les lèvres jusqu'au sang  pour ne pas pleurer, car je sais qu'il ne supporte pas cela, et je ne veux surtout pas qu'il parte, et j'annonce, sinistre, angoissée, au bord du pétage de câble total: "J'ai reçu une lettre d'Alex. Une lettre de menace."
Puis je me laisse glisser à terre, recroquevillée contre le mur, la tête dans une main, les ongles plantés dans le front.
"Je vais craquer. Je vais craquer."

Elle n'a pas l'air de vouloir me répondre et continue de me traîner jusqu'à l'internat. " Hé ! Je suis pas un sac à patates ! " Elle semble ailleurs, déterminée mais surtout, totalement affolée. On arrive dans sa chambre et alors qu'elle me fait entrer le premier, me poussant avec une force insoupçonné, je me prends dans un fils qui traînait par là et perd l'équilibre. Pouah ! Qu'est-ce qui se passe ? Elle essaye de me rattraper, mais non, pousse-toi ! Je lui tombe fatalement dessus, la jambe immobilisé je l'écrase tout mon long. C'est à cet instant que je réalise : elle a une mine affreuse. Nez à nez, j'essaye de me relever sans succès, Lana finit par s'extirper de là. Je ne suis pas fier de moi mais mon attention se concentre sur elle. Qu'a-t-elle pour m'emmener aussi brutalement jusque dans sa chambre à l'abri des regards ? Serait-ce en rapport avec son secret ? Pour se dégager elle me repousse sur le côté. Je m'attarde maintenant sur ma jambe emmêlé dans le fil.

Elle se mord la lèvre, ses yeux sont humides, elle ne tient pas en place. Je pense que quoi qui se passe, ça m'a l'air grave. Elle finit par me lancer une explication en pleine figure. " J'ai reçu une lettre d'Alex. Une lettre de menace. " Je suis assez choqué. J'essaye de me resituer. " Tu veux dire Alex... l'autre gars dont tu m'as parlé ? "

Les yeux dans le vague, elle se laisse tomber contre un mur, démunie. Elle me cache son visage et m'avoue : " Je vais craquer. Je vais craquer. " Ça ne va vraiment pas. Bon j'ai compris ! Je vais essayer de mieux comprendre la situation. " Chut, calme-toi. " C'est un réflexe, je fais toujours ça pour calmer ma sœur. " Commence par me montrer cette lettre, ça m'aidera à comprendre ce qui te fait si peur. " Si ce n'est qu'un conn**d comme je l'imagine et qu'il menace de se repointer : je n'aurais qu'à lui refaire le portrait. Il n'y a vraiment pas de quoi paniquer.

" Chut, calme-toi. "Il a raison. J'essaie de me ressaisir, il est hors de question que je pleure devant Vadim. Hors de question. Je respire fort, par la bouche. Inspirer. Expirer. Ca va mieux. Mais je suis toujours aussi angoissée. Mais les larmes sont parties loin, loin, dans une autre galaxie.
" Commence par me montrer cette lettre, ça m'aidera à comprendre ce qui te fait si peur. "
Il a raison. Je me diriges vers mon secrétaire, et en sort la lettre, en piteux état: foissée, un peu déchirée, toute gondolée.
"Oui. C'est lui."dis-je, répondant à sa question avec un temps de retard. Je m'assoie à côté de Vadim, la lettre en main. Il la regarde par dessus mon épaule. C'est une lettre manuscrite, à l'écriture outrageusement soignée,  rédigée en attaché, en italique avec pas mal de fioritures. Vadim la lit en silence, en même temps que moi, qui la lit pour la deuxième fois.

"Ma belle flamboyante,
Ton absence est si lourde en ma solitude que je ne peux effacer de ma mémoire ton visage de flammes et de douceur. A l'aube de la fin de ma peine, courte grâce à ta gentillesse abusée et si puérile, il ne me manque qu'une chose pour que la plénitude de mon cœur soit à son apogée, douce Obsession. Ton visage que je vois chaque nuit en rêve serait entre mes mains, sous la pâle lumière des astres illuminant l'obscurité de la nuit, dans un recoin isolé si calme et désert, pour que ma tranquillité soit garantie, et que tes cris purs et cristallins n'atteignent que l'ouïe de la voûte céleste. Mes lèvres pressées contre les tiennes, si douces et brûlantes, au goût de rage et de désespoir que j'aime tant, plus que tout! Cette fois-ci il n'y aura personne pour te sauver, chère Proie, tu seras mienne jusqu'au commencement du néant.
J'imagine déjà ta peau nue frissonnant dans la perverse fraîcheur de la nuit, et tes larmes amères et salées se mêlant aux gouttelettes de crachin.
J'humerais tes cheveux au parfum capiteux, si sensuels et provocants. Tu me provoques, Lana. La faute n'est pas mienne, elle est celle de ta beauté.
Tes ongles plantés dans ma peau ne me feront pas mal, Lana. tes hurlements dans la nuit ne m'effraieront pas, Lana. Je ne fuirai pas Lana, tu ne m'échapperas pas, innocente victime.
Je me vois déjà parcourant tes pulpes et tes courbes, tes beautés et tes secrets, dans la pure indiscrétion illégale. Mes mains tremblantes d'excitation caressant ta peau indignée.
Je n'ai que faire de tes sentiments, Lana. Que tu m'aimes ou me haïsse, la chose reste la même. Tout ce que je désire est te voler ton corps, sa pureté de feu. Briser le sceau de ton innocence, rompre à jamais ton corps idéal.
Je veux tes courbes, ta peau et tes cheveux de braise, tes grands yeux enflammés si expressifs, tes mains élancées aux longs ongles en amande, ta bouche vermeille éclatante et la liqueur de ton corps.
Tu auras beau crier, pleurer et me frapper, tu ne m'échapperas pas, je suis le plus fort et tu le sais.
Je sais où tu te caches, ma diablesse si innocente, ne cherches pas à jouer au loup. Tu perdrais dans tous les cas, belle victime.
Nobilia ne te protégera pas, seule la mort le pourrait.
Tu es seule, je m'en doute. Solitaire comme de coutume, vulnérable comme toujours. Mais moi je ne suis pas seul. Trois autres me suivent pour me permettre de goûter à la perfection de ton corps, et s'en délecter à leur tour.
Je patienterais encore quelques jours, puis l'heure de la mort de ton âme sera venue. Je te tuerais à l'intérieur, Lana, en te prenant ta pureté. Mais je n'ai que faire de ton âme, tout ce que je désire est ton corps encore palpitant.
Mais pourquoi te suicider, Lana? Je te connais si bien, je sais qu'en ce moment même tu l'envisages. Tes larmes vont couler sur le papier, le gondolant. Tu vas froisser la feuille, de rage. Puis la ranger pour avoir des preuves. Seulement tu n'en auras pas l'utilité, à ce moment là il sera trop tard, ma Flamboyante. Je connais tant ton esprit qu'il te serait impossible de m'échapper. Tu le vois bien, je connais déjà ta réaction face à cette missive!
La mort ne serait que partie remise, Lana. Je n'ai pas peur des cadavres, et crois à l'Après-vie. L'on s'y retrouverait, Lana. Je t'y poursuivrais jusqu'à satiété. Mais ma faim de toi est insatiable. Après ta mort je serais capable de me délecter de ton sang et de ta chair, de tes pulpes sans vie et de ton visage glacé.
Pourquoi te tuer Lana? Penses-y! Pourquoi faire couler ton sang vermeille à l'odeur sensuelle sur les blanches parois de ta baignoire en marbre? Pourquoi saturer ton organisme de médecines fatales? Pourquoi briser ta splendide enveloppe en te jetant vers le néant?
Pourquoi te suicider, Lana? Pour m'échapper? Tu ne m'échapperas jamais, provocante proie. La mort n'est pas une limite pour moi.
Ceci n'est pas une lettre d'amour, et je me doutes bien que tu le sais. Tu en trembles, tu t'en mutiles la peau de tes ongles. Regarde toi. Tu es si faible. Et moi rien ne peut m'atteindre. Tu as perdu d'avance, sublime créature.

A très bientôt,
Celui qui t'attends.  

Lana leva les yeux vers Vadim, le questionnant du regard. Que pensait-il de tout cela?
Le visage de la jeune fille était maculé de sang. Il en coulait de ses lèvres mordues, et des plaies de son front labouré de ses ongles.
Elle soutint le regard de Vadim, qui en fit de même, contre toute attente sans se défiler.
Le regard de Lana était bouillant d'émotions. On pouvait y lire la peur, la tristesse, la panique, la violence, et quelque chose d'étrangement doux, léger comme l'aile d'un papillon.

Je ... je n'en crois pas mes yeux. Ces mots, si tordus ! C'est un vrai détraqué ! Je n'ai jamais eu autant peur en lisant des lignes. Pauvre Lana... Sur quel malade mentale est-elle tombée ? Je n'ai jamais vu ça mais je garde pour moi mes appréhensions. Il ne faut pas l'affoler. Quoi ? Ils sont quatre en tout ? Mais ! C'est pas vrai ? Les malades mentaux se baladent en meute maintenant ? Cette lettre est clairement une preuve. Le plus sage serait d'aller à la police. Mais que pourrait-elle faire ? Il ne précise rien de bien utile. C'est surtout une menace psychologique. Il la torture déjà avec ses mots. Ça me répugne. A un point inimaginable. C'est le genre de type que j'ai envie de défoncer au premier regard et sans aucune retenu. Mais ça non plus, je ne dois pas le montrer à Lana. Ce que c'est dure la psychologie féminine ! Après avoir lu cette longue lettre qui me donne franchement envie de vomir, elle me regarde intensément. Elle a peur, recherche un soutien, j'appuie donc mon regard. Ça à l'air de la surprendre. Mais si elle veut que je l'aide, je le ferais. Je n'ai peur de rien. Même si c'est un psychopathe : ce n'est qu'un homme. Avec deux bras, deux jambes et une bi** à la place du cerveau. J'vais lui péter les rotules puissance douze. Il ne m'oubliera jamais celui-là.

Elle s'est déjà mutilée, un mince filet de sang coule de son front et elle s'est méchamment mordu la lèvre. Elle est dans un état extrême. Je peux lire énormément d'émotions dans ses yeux. Mais diable, pourquoi est-ce qu'un homme pourrait vouloir détruire quelqu'un d'une manière aussi abjecte ? Je ne peux pas la laisser seule : à l'instant où j'ai croisé ce visage, je me suis résolue à lui redonner sa sérénité, et son sourire. J'étais loin d'imaginer qu'elle était dans une telle situation. Ce n'est pas qu'un p'ti merd*** ce Alex. Cette lettre me montre à quel point c'est un pourri. Et je déteste ce genre de type.

Je la prends par le poignet, pour qu'elle arrête de s'enfoncer les ongles dans la peau comme ça. " Lana. Je suis là. " Je prends une grande inspiration pour ne pas que ma colère se ressente trop dans ma voix. " Il n'a pas le droit de te faire subir ça. Il te torture : n'entre pas dans son jeu ! " J'essaye de lui montrer ma détermination pour la rassurer un peu. " Nobilia est bien gardé. Tu n'es pas seule. Oublie tout ce qu'il a pu écrire. Efface. Rien n'arrivera. " Je me lève et ne lui lâche pas le poignet, l'aidant à se relever. " Suis-moi. " C'est à mon tour de l'aider à se ressaisir. Par le poignet, je l'emmène jusqu'à l'infirmerie. " On ne peut pas laisser ton visage dans cet état. " Je ne le laisserais pas te détruire. Je pense avoir deux mots à dire à un certain enfoi**. Il ne me connaît pas ? Il va apprendre à me connaître. Je suis Vadim Miloslav et mes poings vengeurs sont ceux de la justice !

=> La suite, à l'infirmerie : juste ici ! <=