Vadim me prend la main, et nous retournons vers la foule, plus en sécurité.
" Il a effectivement un complice à Nobilia. Même si c'est le cas, nous devons faire quelque chose. Je ne lui faciliterais en aucun cas la tâche. " Il marche relativement vite, je dois m'accrocher un peu pour suivre son rythme. Puis il s'arrête et se tourne vers moi.
" Je suis désolé. Je te parle de mes problèmes alors que tu en as de bien plus grave que moi. " Ah non, Vadim. Pas de ça avec moi! Cette attitude m'exaspère, je déteste qu'on me plaigne, qu'on s’apitoie sur mon sort, et en plus j'ai très bien compris qu'il n'y avait pas qu'avec sa famille qu'il avait des problèmes, non, non, non, je ne veux pas de ça avec moi, qu'il arrête de faire semblant à la fin! Zut quoi! C'est une chose qui m'énerve, en plus ça finira par se retourner contre lui, et puis ça m'est déjà arrivé et ça a tellement mal tourné, tellement mal...
"Vadim, arrêtes. Tout ça ne sert à rien, faire semblant est totalement inutile, et puis j'ai très bien compris qu'il y a autre chose que tes problèmes familiaux, alors arrêtes maintenant, ça ne sert à rien d'essayer de me mentir. Et puis en plus ça ne sert à rien d'en rajouter une couche, alors arrête ça, je t'en prie, tu devrais le comprendre, non? Alors que tout à l'heure..." Vadim m'interromps soudainement.
" ... tu as sûrement raison. Mais je ne pense pas ce que soit le moment. " Il me désigne discrètement un agent d'entretien, qui a une moustache un peu étrange, très broussailleuse, mais qui n'est pas vraiment... droite?!
" Restons prudent. "Chuchote Vadim. Nous continuons d'avancer vers l'enceinte surveillée de Nobilia. Je suis très tendue, je ne peux m'empêcher de jetter quelques coups d’œil vers l'homme moustachu. Je me raidis peu à peu, à cran, sur mes gardes, je suis angoissée. Je sens Vadim serrer ma main un peu plus fort. Ici, il y a pas mal d'élèves, et je n'aime pas sentir leurs regards qui se posent sur moi, et sur Vadim, je me sens comme nue face à la foule, vulnérable, alors je me crispes encore plus. Je sens Vadim me lâcher la main. Il me regarde, et sourit.
" Ici, tout ira bien. Il serait fou d'apparaître au milieu des élèves. " Être fou, je crois qu'Alex l'est de toute manière. C'est un malade mental, un type malsain et dangereux. Penser à ça ne me rassure pas le moins du monde, l'effet est même plutôt inverse.
Un garde interpelle alors Vadim.
" Mais !! Toi !! C'est toi qui a fugué l'autre jour, Milomachin ? " Ce garde beuglant me sort de ma torpeur, et je me sens à nouveau un peu plus combative.
" Miloslav, oui c'est bien moi. " Lui répond Vadim d'un ton plutôt sec. Oho, tout cela devient intéressant.
" J'espère que tu as bien été puni pour le tour que tu nous as jouer avec l'autre marquise là. " Le garde à l'air plutôt chaud pour essayer de faire enrager Vadim. Voilà qui ne plait pas, comme si on avait besoin de ces embrouilles avec un pauvre petit gardounet énervé même pas fichu de faire son boulot correctement! Mais c'est quoi cette histoire de Marquise? Je veux tout savoir, moi! Je ressens ma curiosité refaire surface.
" Oh oui, très bien si ça peut vous rassurer. " D'ailleurs, de quoi il se mêle ce garde? Il devrait faire son boulot plutôt que de nous taper la discut'! J'ai une folle envie de le lui dire, mais j'essaie de me retenir un minimum. La situation est déjà assez compliquée comme ça, mieux vaut ne pas en rajouter une couche. J'aperçois le type à la moustache. Il nous a... suivis? jusque là. Non, décidément, ça ne peut pas être une vraie moustache, elle est trop bizarre. Voilà qui ne me rassure pas. Le garde commence à s'éloigner, mais Vadim continue de lui parler. Une lueur dans ses yeux me dit qu'il concocte quelque chose, et je me demande bien quoi.
" Vous voyez, si j'ai réussi à sortir : c'est que l'enceinte de notre école n'est pas si bien gardée que ça. " Hummm bien envoyé. Décidément ce garde ne me plait pas du tout, et le moustachu non plus. Il nous regarde toujours, et de manière tellement peu discrète... Le garde ce retourne en entendant ça, et il n'a pas l'air heureux? Ce qui me fait vraiment plaisir.
" Et les lycéens qui ont réussi à s'introduire pour menacer une élève. Vous avez encore manqué de vigilance. "Oh que oui. Et pas qu'un peu, monsieur le gardounet. Je suis bien réveillée, et je suis bouillante, pleine d'une énergie furieuse. Le garde vire au rouge tomate.
" Ce n'était pas de notre faute ! Ce n'est pas un morveux comme toi qui doit nous donner des leçons ! Quel culot ! Je n'y crois pas. Monsieur ! Venez par ici, on me manque de respect ! " Manquer de respect? Il lui dit plutôt la vérité oui! Il commence à me taper sur les nerfs ce garde incompétent. Oui. Incompétent, épelé en toutes lettres, et en majuscules. Tout le monde nous regarde, nous sommes au cœur de l'attention générale. Vadim a l'air d'avoir une idée derrière la tête, mais je ne réussis pas à saisir. Je vois arriver mon prof d'Anglais.
" Monsieur Miloslav, Mademoiselle Descombres tiens donc ! " Mais c'est pas possible, pourquoi pas la directrice, l'infirmière, le psy et tous les profs en plus d'eux? Vadim me regarde, et et me demande discrètement si je connais ce prof.
"Oui c'est, mon professeur d'anglais."D'un ton exaspéré, il lance alors ceci:
" Qu'est-ce que vous avez encore fait. " Il insiste franchement sur le encore, et j'ai envie de dire quelque chose style
que des choses bien contrairement à certaines personnes, histoire de lancer un regard amical au garde, mais bon je me retiens, ce n'est pas le moment. Je sens revenir mon goût pour la provocation, disparu depuis l'entrée du problème Alex dans ma vie, et à vrai dire j'adore ça, je me sens redevenir peu à peu moi, au complet, même si je sais que cela ne sera jamais entièrement possible. Le garde ramène encore une fois sa fraise, et moi aussi j'insiste mentalement sur le encore.
" Ce petit garnement insinue que je fais mal mon travail ! " Pfeuuuh. Un garnement! Et pourquoi pas un poney enchanté se nourrissant d'arc-en-ciel et faisant des cacas papillons!
" C'est la vérité. On a réussi à attaquer Lana dans le pensionnat. C'est inadmissible ! Mon père sera au courant ! " Huhu je crois que je commence à comprendre où il veut en venir. Jouer le côté dramatique du problème, en mode ultra méga supra théâtral, pour renforcer l'impression de médiocrité des gardes. Ça me plait! Je note mentalement que je commence à réutiliser mon ancien langage pour pensées intérieures. La preuve dans ce que je viens de dire. Et très honnêtement ça me fait plaisir. Le garde a soudainement l'air de se sentir moins malin.
" Vous osez répliquer alors que vous êtes en tord. " Oh non mais il va arrêter de casser l'ambiance ce professeur d'anglais, là! Je ne suis absolument pas d'accord. Je touche mes cheveux, que j'ai détaché tout à l'heure après la course pour camoufler les marque sur mon cou.
" Monsieur, vous devez faire quelque chose. " Le gardounet a l'air d'être en détresse côté honneur, il doit se sentir bien humilié, du moins j'espère.
" Oui, je m'en occupe. Merci de m'en avoir informé. " C'est ça merci, oui. Bien sûr, j'allais te le dire. Le professeur se tourne vers nous.
" Je peux savoir pourquoi vous provoquer impunément nos pauvres gardes ? " Si ma mémoire immédiate et bonne, c'est le garde qui a interpellé Vadim en premier. Je cherches dans ma tête une petite idée pour dramatiser encore plus la scène, y ajouter une petite touche spéciale Lana, une Lana en mode ancienne Lana, à savoir Lana incendiaire.
" J'aimerais juste qu'ils fassent mieux leur travail. Nous ne sommes plus en sécurité ici. " Parfait, c'est ce qu'il fallait. Mais cela n'est pas encore assez tragique à mon goût. Le prof se tourne vers moi. Si il m'adresse directement la parole, je jure sur mon piano-déchet que je ferais virer la scène au drame Shakespearien.
" Mademoiselle, vous confirmez cette version des faits ? C'est vous qui avez été victime d'un fâcheux accident si j'ai bien compris. " Olala. Il m'a parlé. Soit. Je vais tenir mon engagement personnel. Pour le meilleur et pour le pire.
Je lèves la tête et lance un regard noir, hautain et méprisant au professeur. J'entrouvre la bouche, comme si je m'apprêtais à proférer une réplique cinglante, mais je n'évacue pas un son. Lentement, sans quitter de mes yeux empoisonnés le regard de ce professeur, je dégages mes cheveux vers l'arrière. Les marques violacées sur mon cou sont alors entièrement visibles. Je reste ainsi quelques secondes, puis, en exagérant un peu ma voix grave et rocailleuse, je lâche sur un ton venimeux une petite tirade digne d'une pièce dramatique de mauvaise littérature.
"Sachez monsieur que le fait que je sois en vie en cet instant est uniquement dû à la bravoure, aux valeurs et à la loyauté profonde de ce dit garnement. Si vous ne daignez toujours pas croire en la vérité imprimée sur mon cou et dans les dires véridiques du vandale à mes côtés, je me vois obligée de vous fausser compagnie pour me remettre de mes émotions déchirantes auprès de quelqu'un qui saura croire en la sincérité des propos valides de monsieur Miloslav, et tenter de remédier à cet honteux manque de compétence parmi l’entièreté du personnel de ce pensionnat à la réputation qui rapidement sera répandue en cendres sur le parvis de la honte. Adieu, Ô homme de peu de foi!" Je ressens une sensation explosivement agréable, la même que lorsque je provoquais les professeurs autrefois. Ce genre de monologue m'a valu bon nombre d'heures de colle, mais cette sensation est tellement grisante que je me souviens maintenant pourquoi j'agissais ainsi, mais je sais qu'à Nobilia je ne pourrai pas m'y risquer, ce serait jouer avec le feu et avec ma place si cher payée dans cet établissement.
Mon dernier mot prononcé, je saisi une main de Vadim, et la tête haute, je nous entraîne vers la bibliothèque, j'ai une petite idée qui germe dans ma cervelle. Je sens se froisser dans ma poche le papier qui était scotché sur la lame de tout à l'heure. C'est reparti pour un tour, Alex. Mais je ne me laisserai pas faire.
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